Une psychothérapie ne peut pas faire l’économie de la rencontre entre deux pensées subjectives. Le sentiment de soi se construit dans le regard de l’autre. Ce ne peut pas être dans l’absence du regard de son psychanalyste que la personne en souffrance peut se développer en tant que sujet.
La subjectivité, c’est ce qui appartient au sujet, c’est sa façon personnelle et unique de ressentir les choses. C’est son intériorité consciente, son ADN émotionnel. L’émotion est le noyau du sentiment de soi. En thérapie, c’est ce que nous devons travailler, éclore… apprendre à ressentir.
Le fait de retrouver le souvenir enfoui d’un épisode traumatisant de notre vie est un travail mnésique qui nous renseigne sur la situation dans laquelle s’est passé l’événement mais pas sur le comment nous l’avons vécu. Pour atteindre le comment, notre conscience policière doit lâcher prise. Il ne s’agit pas de relater le traumatisme, car la parole perpétue la situation dans laquelle la personne comprend tout mais ne ressent rien.
Ce qui guérit, c’est de rassembler dans une même expérience thérapeutique le «ressenti» et le «compris», réparant ainsi le clivage initial qui maintenait la personne dans une certaine irréalité.
Il me semble que depuis un certain temps, une prise de conscience est en train de surgir par rapport à l’incongruité de ce que l’on nomme «la neutralité bienveillante». En tant que praticiens soignants, nous devons cesser de conformer notre comportement à des règles arbitraires qui n’ont pas d’autres privilèges que de nous prémunir contre l’angoisse horrible, la peur d’une rencontre vraie avec une autre personne qui souffre réellement dans sa chair.
Humblement, nous devons déposer nos masques et réfuter de nous servir de subterfuges techniques pour tenir notre rôle dans une fonction d’écoute où notre seule force consiste à être nous-mêmes.